Yoyu – la marge
Déjà le rythme s’installe, le corps prend ses marques et accueille avec bonheur l’éveil silencieux par la méditation et le chi kong. S’ensuivent nos mots et conversations autour d’un copieux petit déjeuner.
De retour au dojo, l’échauffement d’aïkido ravive notre feu intérieur. La pratique du kenjutsu gagne encore en intensité. Les coupes sont analysées, décortiquées pour mieux y répondre. Tai sabaki, esquives, contrôles, réponses, les actions possibles se dévoilent, enrichissant notre conscience des multiples carrefours que sont les katas. Au fil des exercices, de leur complexité, les mouvements initiaux semblent frustes, évidents. La marge se crée. Yoyu.
L’enseignement, alors, glisse. Lorsque l’on reçoit une coupe, on attend le dernier moment pour ne pas être touché, pour enlever notre corps, on voit quand et où esquiver, bouger, contrôler, attaquer. Cet espace d’attente n’est aucunement un vide, il est un plein, riche de tous les choix possibles, une attention accrue, vive. La marge devient présence. Le travail du iaïjutsu, d’abord grâce au bokken et ensuite au iaïto, mettra en lumière cette force intérieure, plus subtile. C’est dans l’ombre, dans le silence, que naît soudain la lumière, qu’elle jaillit.
Alors qu’un exercice de chi kong apaise l’intensité de notre foyer intérieur, une pratique inattendue donne de l’espace aux découvertes matinales : le repas ainsi que la pause qui le suit se feront en silence. Ni mots, ni gestes.
Les saveurs s’accroissent, la fraîcheur de l’eau, la douceur de la table de bois. Leur présence. Le soleil inonde la pièce. Aucun vide, tout est plein.
L’après-midi
Après un nouvel échauffement d’aïkido, nous retournons à l’extérieur pour le travail de naginata jutsu. A nouveau, les bases et exercices se succèdent. L’ampleur de l’arme et le rythme imposé mettent nos corps à l’épreuve. Kon ki, la persévérance. Malgré la chaleur et la fatigue, nos esprits restent vifs, attentifs. Yoyu. Le travail se poursuit, toujours plus profondément. Les liens qui unissent Tori et Uchi dashi deviennent de plus en plus clairs, de plus en plus forts. L’arme importe peu.
Ce sera à nouveau l’iaïjutsu qui clora notre après-midi. Retour à l’ombre, au silence du dojo. La lumière redevient intérieure. Seuls, sans de Tori ou d’Uchi dashi à qui se lier, nous nous lions à l’univers qui nous entoure. Les katas sont adressés, reste à savoir à qui et ce que l’on y inscrit. Dō.
L’après-midi prend fin avec un ultime exercice de renforcement. La lenteur, au même titre que le silence et la concentration, est une clé. Intensité extrême, cachée, du mouvement extrêmement lent. Kage Hikari.
Le souper est joyeux et fort plaisant. Les liens tissés au dojo se retrouvent entre nous, autour de la table. On sourit, on vit, on plaisante, on évoque ceci ou cela, heureux. Au retour au dojo, on a plaisir à découvrir le monde de l’audition et de la vibration, voie d’accès privilégiée du monde extérieur à notre monde intérieur.
Jour 3, trois mars 2022 – Sébastien Blanc.